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le dernier mot devait rester à la puissance maîtresse de la mer et capable par là de se refaire incessamment. En principe il avait raison. Il appartenait à l’Athènes de Thémistocle de dessiner par l’intelligence un des grands schèmes de l’histoire éternelle, et il était raisonnable de se confier, comme jadis à la ville de bois, au principe qui ne devait jamais être démenti, la victoire restant, dans une guerre générale, aux dominateurs de la mer. Pourtant le risque, même en se tenant dans les données du début, était plus grand que ne le pensait Périclès et que ne le laisse entendre Thucydide. D’autres peuples avaient de fortes marines, et les Péloponésiens pouvaient en créer une formidable en étendant leurs alliances. C’est même ce qui arriva. Ces marines étrangères il fallait les empêcher de naître, les contrecarrer ou les combattre si elles voulaient rester neutres, les surveiller partout, occuper les points d’appui insulaires qui pourraient leur fournir un appui. De sorte que le conseil de rester en repos et de soigner leur marine sans chercher à étendre leur empire, tel que Périclès le donnait aux Athéniens, était d’une application difficile. On ne voit pas quel triomphe eût assuré une longue guerre soutenue passivement, comme si le génie de la guerre ne consistait pas à manœuvrer, à discerner le point faible de l’ennemi et à se porter vigoureusement contre lui.

Cette ἡσυχία était peu conforme au génie de la guerre, surtout de la guerre maritime. Quand Athènes signa la paix de Nicias, elle ne s’était pas engagée encore dans ses entreprises lointaines, et pourtant elle n’avait pas gagné la guerre ; le programme de Périclès, assez fidèlement observé, ne l’avait pas amenée à la victoire. Quand cette paix fut rompue et que la guerre reprit plus acharnée, il était naturel qu’elle cherchât la décision dans une