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peste, l’empire ébranlé par les révoltes des alliés, — et aussi dans toute la dureté qu’ils impliquent pour les autres, pour ces alliés eux-mêmes, pour le monde grec tout entier. Dans son dernier discours, si mélancolique, si fier, si indomptable, il ne dissimule pas la haine générale amassée contre Athènes, mais cette haine il faut l’accepter comme un élément inévitable d’une situation à envisager en bloc. « Si vous êtes maintenant un sujet de haine et de gêne, même chose est arrivée à tous ceux qui ont prétendu commander à autrui. Mais celui qui, visant à de grandes choses, accepte d’être haï, est dans le droit chemin, tandis que l’éclat d’aujourd’hui, puis la gloire de demain laissent un souvenir impérissable. » (II, 68). À l’horizon même du discours de Périclès est le dialogue futur des Athéniens et des Méliens. Bismarck n’a pas inventé une formule spéciale pour un empire spécial, et l’empire athénien, dans sa modeste étendue, sera, comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui le suivront, fondé par le fer et le sang. Aucune domination de ce genre ne s’est établie par des moyens de douceur, ni n’a constitué un bienfait immédiat.

Périclès meurt de la peste au moment de la grande désolation d’Athènes. S’il a désespéré d’Athènes, nul ne l’a su, et les yeux de l’Olympien se ferment dans un visage de calme et de confiance. Périclès, selon Thucydide, a tracé l’épure raisonnable de la guerre, l’a laissée aux Athéniens dont le sort et le malheur furent de ne s’y pas tenir. Il « avait dit aux Athéniens que s’ils restaient en repos, s’occupaient de leur marine, ne cherchaient pas à étendre leur empire pendant la guerre et n’exposaient pas l’existence de la république, ils triompheraient. Or, en tout cela, ils firent l’inverse ». (II, 65). Il pensait donc à une longue guerre d’usure où