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Thucydide a fait de Périclès la personnification de l’intelligence athénienne : le créateur du Parthénon, l’ami de Phidias a sous la visière de son casque une étincelle de la pensée d’Athéna, et, devant son front élevé, le quadrige qui la conduit. Il se dresse, dans l’histoire de Thucydide, au seuil de la grande guerre avec cet aspect de réflexion intérieure, de raison et de persuasion qu’il devait offrir dans la tribune aux harangues. Il confère à la démocratie mobile d’Athènes tout le poids et la persévérance dont une démocratie est capable. Il fait crédit à cette démocratie, la juge digne de fournir aux efforts et aux sacrifices qu’exige une guerre longue, difficile, douloureuse, au bout de laquelle sont l’hégémonie d’Athènes, la constitution d’un empire grec sous le Démos athénien. Ayant longuement pesé les ressources et les forces d’Athènes, il a conçu la guerre comme une entreprise dure, mais en somme raisonnable, et où les proportions de mauvaises chances possibles n’excèdent pas celles que comportent la plupart des entreprises qui constituent le normal et le bien d’une vie humaine.

Évidemment la vie anecdotique de Périclès telle que la conte Plutarque nous est précieuse, et notre Périclès vivant est fondé sur elle. Cependant comme elle s’efface et pâlit à côté de ce Périclès de Thucydide, débarrassé de tout détail qui ne soit vraiment politique, ramené à la seule épure de l’intelligence ordonnatrice et prévoyante ! C’est ainsi que la mémoire traditionnelle de la philosophie a laissé tomber toute la physique mécaniste d’Anaxagore pour n’en retenir que le νοῦς. On a en lisant Thucydide l’impression de voir la guerre du Pélo-