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élève d’Anaxagore. Mais l’éclipsé de lune n’est rien, l’éclipsé de l’intelligence, du νοῦς importe seule, et c’est elle qui perd la dernière chance de salut. Les Anaxagores de Nicias, c’est la troupe de devins qu’il mène avec lui. « Nicias, trop crédule aux présages et à ce qui leur ressemblait, déclara qu’il ne fallait prendre aucune résolution jusqu’à ce que, suivant la déclaration des devins, il se fût écoulé trois fois neuf jours. » (VII, 50), trois fois plus qu’il n’en fallait pour donner le champ libre au mauvais génie d’Athènes.

Le beau génie de Sparte, un seul homme le figure dans Thucydide, de façon vivante, : c’est Brasidas. Tout au plus les discours du roi Archidamos et de l’éphore Sthenalaïdas, avant la déclaration de guerre, permettraient-ils de varier le guerrier Spartiate comme Corneille a dans Curiace et le jeune et le vieil Horace varié le guerrier antique. Si Thucydide avait achevé son histoire, il eût fait vivre en Lysandre un type intéressant de Spartiate des temps nouveaux, tel que l’a débrouillé la guerre. Mais enfin le libre et l’inventif, le bon et le mauvais, (est-il bon ? est-il méchant ?) génie d’Athènes présente une bien autre souplesse et une bien autre variété. Laissons de côté, comme indiqué en traits trop généraux, ce beau type de soldat qu’est Démosthène. Restent les quatre figures centrales, dans Thucydide, de la guerre du Péloponèse : Périclès et Cléon, Nicias et Alcibiade.