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se brouillent avec Athènes, la puissance maîtresse de la mer pourra toujours les miner. Argos nous offre un exemple assez typique. Nous la voyons tantôt l’ennemie, tantôt l’alliée de Sparte, ce qui tient sans doute aux révolutions des partis, démocratie et aristocratie se succédant par des coups de violence et changeant chaque fois la politique de la cité. Elle est placée comme Athènes sur un isthme, et la position de l’Argolide est à peu près symétrique de celle de l’Attique. Le parti démocratique veut en faire une Athènes péloponésienne. Ils voyaient en Athènes « une ville dès longtemps leur amie, vivant comme eux en démocratie et dont la grande puissance maritime pouvait les aider en cas de guerre. » (V, 44). Plus tard « les démocrates d’Argos, craignant les Lacédémoniens et désirant renouveler avec Athènes une alliance dont ils espéraient grand profit, commencèrent la construction de Longs-Murs jusqu’à la mer, pour s’assurer, s’ils venaient à être bloqués par terre, la liberté de la mer, avec les secours des Athéniens » (V, 82). Patras avait construit ses Longs-Murs à l’instigation d’Alcibiade, et le même Alcibiade semble avoir eu la haute main dans toutes ces affaires d’Argos. Il est possible que cette politique de Longs-Murs soit sienne, et résulte de ce coup d’œil militaire dont il allait donner bien des exemples. L’année suivante les Lacédémoniens détruisent les travaux des Argiens. Une Argos forte, alliée d’Athènes, avec des Longs-Murs, eût constitué pour Sparte une diminution permanente, comme la Messène qu’Épaminondas attachera à son flanc, et comme, au cœur de l’Attique, pour Athènes la Décélie qu’Alcibiade fera occuper par ses ennemis.

La démocratie, qui est, pour ces raisons, un élément de