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d’autrui. Leurs alliés sont venus librement à eux et ne paraissent pas craindre pour cette liberté. L’alliance péloponésienne est une alliance d’égaux, qui défèrent le commandement militaire à Lacédémone comme à la grande cité guerrière, mais qui délibèrent en commun, se gouvernent à leur manière, et n’ont rien de cet empire tributaire qu’Athènes maintient de force dans l’obéissance. Évidemment l’extension et l’acharnement de la guerre amèneront Sparte à imiter une partie des méthodes athéniennes : Lysandre installera une garnison lacédémonienne dans l’Acropole et Phébidas dans la Cadmée. Mais pendant toute la première partie de la guerre Lacédémone s’en tient à la politique de Brasidas, — ou plutôt c’est Brasidas qui s’en est tenu à la politique traditionnelle de Sparte. Elle lutte vraiment pour l’indépendance des cités grecques. Cité fermée, elle se trouve à son aise dans une fédération de cités fermées, dont elle ne craint rien parce qu’elle est plus forte qu’elles, et qui n’ont rien à craindre d’elle parce que le maintien de sa domination sur le pays où sont campés ses guerriers doriens suffit à absorber et à tendre son activité. Au contraire Athènes, cité ouverte, est hostile aux cités fermées, tend à les absorber dans un empire. Les mêmes forces intérieures qui l’empêchent de laisser le monde grec en repos lui interdisent de le laisser dans la division.

Il est dès lors naturel que Sparte s’appuie partout sur l’aristocratie et Athènes sur la démocratie. Sparte favorise en l’une les forces conservatrices des cités, Athènes protège en l’autre les forces centrifuges qui les répandent vers le dehors et les dissolvent dans son empire. ὑμῖν ὁ δῆμος ἐν πάσαις ταῖς πόλεσιν εὔνους ἐστί, (III, 47) dit Diodote aux Athéniens. Il n’en va pas dans