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gloire d’une chose, c’est d’avoir été et d’être encore un objet d’étude et de spectacle pour les étrangers. Ces étrangers on les retient et ils restent volontiers, et Athènes, continuant d’ailleurs le vieux mode de peuplement de l’Attique, se fortifie et s’accroît par eux. Les métèques servent dans l’armée comme hoplites, figurent dans la procession des Panathénées ; c’est un métèque, Lysias, qui fonde le plus pur atticisme, et il n’est pas d’étranger éminent, sophiste, philosophe, historien, artiste, qui ne vienne chercher à Athènes le vrai public des connaisseurs, le chemin vers la fortune et la gloire. Mais si la domination d’Athènes est légère et bonne aux individus, elle est dure aux cités qui perdent, en entrant dans l’empire athénien, toute indépendance véritable. Elle ne les tient que par la force ou par le lien de haines communes, par le sentiment d’un danger plus grand qui leur fait choisir le moindre mal.

C’est exactement le contraire de Sparte. Comme Périclès se plaît à le faire remarquer, le visage de Lacédémone est aussi hargneux et aussi défiant que celui d’Athènes est ouvert et aimable. Sparte n’admet chez elle aucun étranger domicilié ; même les voyageurs sont mal reçus, les sophistes sont priés d’aller étaler leur marchandise ailleurs. C’est une défiance de paysans ombrageux et lourds, qui tiennent à leur vie disciplinée, sourcilleuse et renfermée. Même quand les cités alliées demandent à Sparte des chefs, ces chefs ne sauront ni s’assouplir, ni se faire aimer, sentiront encore le brouet, se comporteront en fonctionnaires prussiens. Mais précisément cette gaucherie, cette xénophobie de Sparte sont pour ses alliés des garanties d’indépendance politique. Les Spartiates, qui n’aiment pas qu’on se mêle de leurs affaires, se mêlent avec répugnance des affaires