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partie de là ; le grand marché d’hommes que commence à être la Grèce est ouvert indéfiniment à Athènes.

Mais la ressemblance entre Athènes et la Perse s’arrête ici. Le tribut royal, qui draine la plus grande partie de l’or et de l’argent de l’Empire, les accumule à Suse en immenses réserves dont les dariques ne rendent au public qu’une infime partie. C’est cette thésaurisation passive d’Orient qui aujourd’hui encore fonctionne dans l’Inde, y entasse dans l’ombre le métal blanc qui n’en sort jamais. Il faudra l’expédition d’Alexandre pour faire jaillir des caves de Suse ces nappes d’or, les jeter dans la circulation monétaire, qui, comme à la suite d’une grande découverte de mines d’or, se trouvera quadruplée. L’or de son tribut, Athènes le jette pareillement dans la circulation du commerce, et l’y jette par la guerre. Les deux forces sur lesquelles compte Périclès pour la mener à bien, c’est-à-dire pour établir sur la Grèce entière l’hégémonie d’Athènes, c’est l’intelligence et l’argent τὰ πολλὰ τοῦ πολέμου γνώμῃ καὶ χρημάτων περιουσίᾳ κρατεῖσθαι. (II, 13). Après avoir bien considéré qu’Athènes est la ville du monde grec où fleurissent dans toutes les directions — gouvernement, éloquence, art et poésie — la plus grande force d’intelligence, et où s’accumule par le jeu des tributs le plus d’argent, Périclès estime que le moment est venu de tenter la grande aventure. L’intelligence et l’argent réussiront-ils ici à un État comme ils réussissent d’ordinaire à un particulier ? Feront-ils, comme il est naturel, sa fortune, ou bien en sera-t-il du rêve de Périclès comme il en fut du rêve de Xerxès, pour la plus grande satisfaction de la sagesse delphique et la plus grande gloire de Némésis ? On conçoit que Thucydide soit entré dans la première année de la guerre