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ni surtout pour ses alliés qui supportent impatiemment son joug. Elle ne l’est qu’assez peu pour celui qui en apprend l’histoire dans Thucydide. N’y a-t-il là qu’un contraste entre la réalité dure de la politique et les beaux mensonges de l’art oratoire, ou bien est-ce le balancement de deux vérités égales sur des plans différents ? Comme nous avons éprouvé souvent (génie et Thucydide à part) la même inquiétude, entre l’être oratoire d’une nation moderne et son être réaliste, le problème ne nous paraîtra pas trop éloigné de nous.

Les lois de sa guerre font d’Athènes une ennemie impitoyable, et la politique impérialiste pour laquelle elle s’est violemment décidée lui donne tous les traits d’une puissance de proie. Il ne semble pas qu’en passant du joug perse à celui d’Athènes les Ioniens aient gagné plus de liberté et de bien être. Plutôt y perdirent-ils. Rien dans la domination perse n’égalait en tracasserie et en servitude l’obligation où étaient les alliés de venir faire juger leurs procès à Athènes. Comme celui de Darius, l’empire athénien était surtout un système de tributs, et chacune de ses divisions portait ce nom de tribut. Le but de l’administration athénienne était surtout de drainer les richesse des pays tributaires. Les tributs, comme ceux des rois de Perse, étaient payés principalement sous forme de métaux précieux, ce qui, joint à la production des mines d’or de Thrace et des mines d’argent du Laurium, faisait d’Athènes la grande puissance monétaire du monde grec ; les énormes armements de Sicile et le ressort indomptable qui subsiste encore après le désastre proviennent en grande