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ou qu’elle trouve un autre terrain où leur rendre leurs coups. Athènes force sa timide rivale à sortir du champ grec, à se répandre comme elle sur les rivages lointains, elle-même appelle à l’être et à l’action les Brasidas et les Lysandre, les Callicratidas et les Agésilas.

Quand il est tombé en pleine bataille, Brasidas continue à prêter aux chefs lacédémoniens qui lui succèdent le prestige de sa mémoire. Ils combattent sous l’éclat de son nom comme Patrocle sous l’armure d’Achille. « Étant allé le premier à l’étranger et ayant fait en tout figure d’homme accompli, il laissa après lui la conviction que tous les autres étaient pareils. » (IV, 81). Il est de fait que Callicratidas lui ressembla, et qu’Agésilas assouplit, modernisa par la fréquentation de Lysandre le pur type classique laissé par Brasidas. Mais ce n’est pas chez le roi boiteux que Sparte vit renaître l’image de Brasidas, et le même bronze sorti du même atelier, fondu par le même feu, éclatant de la même lumière. Elle le reconnut devant elle et contre elle quand les femmes de Sparte aperçurent pour la première fois sur l’horizon laconien la fumée d’un camp ennemi. Le type d’Épaminondas dépasse peut-être un peu celui de Brasidas, en ce qu’il atteint un équilibre, une perfection classique plus pleine et plus nourrie, bien que, sous les mots historiques et les attitudes toutes faites dont l’a empâté la tradition hellénistique et romaine, il nous apparaisse avec moins de pureté native et de sobriété vigoureuse que le Brasidas de Thucydide. N’oublions pas qu’il fut plus mal partagé en historiens que le Spartiate : le laconisant Xénophon se laisse arracher à regret quelque admiration pour lui, seulement dans le récit de la campagne de Mantinée, où sa victoire est tempérée par sa