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des éloges publics. Les Athéniens assiégeaient Méthone : Brasidas, remarquant leur dispersion, traverse au pas de course à la tête d’une troupe spartiate l’armée assiégeante, se jette dans la ville et la sauve. Il est tout entier dans son premier grand exploit. Son génie propre consiste à porter dans l’attaque foudroyante toutes les qualités de sang-froid, de constance et de courage qui faisaient dans une bataille rangée la supériorité du Lacédémonien, ferme à sa place de combat. Comme il a, devant Méthone, traversé les lignes athéniennes, il tracera dans l’histoire son sillon de feu en traversant toute la Grèce pour aller attaquer Athènes en Thrace, au point vital de son empire colonial.

C’est la grande péripétie de la guerre, le tournant où elle s’élargit, dessinant d’ailleurs le tournant naturel de toute guerre analogue, — alliance de François Ier avec le Turc, passage de Bonaparte en Égypte, expéditions des Dardanelles, de Mésopotamie et de Salonique. Mais, comme la grande crise de la Grèce baigne dans une atmosphère d’héroïsation, de tragédie et d’art, ce tournant souvent prend une figure humaine, celle d’un de ces forts et radieux soldats, qui luisent comme des éclairs et des épées au plus haut d’un ciel d’orage, et que la guerre, les ayant brandis pour se lever une fois dans toute sa beauté toute nue, aussitôt remet au fourreau, un Germanicus, un Gaston de Foix, un Charles XII, un Desaix, un Guynemer.

Ce sont les Athéniens qui ouvrent en Thrace cet appel d’air vers lequel s’élance Brasidas. Ils interdisent, par la menace de mettre à mort leurs cent vingt prisonniers, l’Attique à l’invasion lacédémonienne, et pendant ce temps, de leur station de Pylos, ravagent à loisir les côtes du Péloponèse. Il faut que Sparte soit vaincue,