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Athéniens ayant déclaré qu’ils mettraient à mort leurs cent vingt captifs si leurs campagnes sont ravagées à nouveau, Sparte pèse les deux partis, et décide de sacrifier son instrument de victoire à la vie de ses guerriers. L’oliganthropie est tenue, dans cette conjuration de maux, pour le danger le plus redoutable.

Thucydide fait de Sparte après Sphactérie, en cette huitième année de la guerre, un tableau saisissant : « Ils montaient une garde intense, car tout leur faisait craindre une catastrophe, le désastre inattendu et terrible qui leur était survenu dans l’île, la prise de Pylos et de Cythère, cette guerre qui les enveloppait de coups rapides et imprévus. Aussi armèrent-ils, contre leur usage, quatre cents cavaliers et des archers. La guerre leur pesait plus que jamais. Ils étaient engagés, sans y être préparés, dans une lutte maritime, et une lutte contre les Athéniens, qui ne voyaient jamais dans l’inaction qu’une perte sèche à l’égard de l’action possible. Tous ces malheurs survenus en si peu de temps les plongeaient dans une profonde stupeur ; ils redoutaient quelque nouvelle calamité pareille à celle de l’île. Ils en étaient devenus moins hardis au combat, redoutaient dans toutes leurs démarches de tomber dans une faute, tant leur confiance s’était trouvée abattue par ces malheurs sans précédent. » (IV, 55).

Ainsi tout a tourné contre Lacédémone. Tout a tourné contre elle non pas seulement par un coup inopiné du destin, mais par une pente et par un poids de sa propre nature. Que l’on compare à cette stupidité morne et lasse le prodigieux ressort d’Athènes après le désastre de Sicile. Le Spartiate, mal habile à la parole, est de caractère orgueilleux, timide et lourd. On voit particulièrement ces traits anciens et typiques s’incarner