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cent vingt hoplites ont passé dans l’île, dont moitié environ de Spartiates. Démosthène et Cléon, après un siège long et acharné, les affament, les entourent, les tiennent à la gorge. Sparte ne peut rien pour eux. Il faut qu’ils diminuent par une capitulation cet éclat jusqu’alors incorrompu du nom de Sparte, bouclier que jamais encore elle n’avait laissé tomber, talisman même de son prestige et de sa force matérielle, ou bien, qu’en imitant les Trois cents de Léonidas, ils laissent une plaie béante dans la muraille vivante qui défend Sparte et mutilent encore de manière irréparable ce qui reste en Laconie du vieux noyau dorien. À ce sommet tragique ils n’osent prendre une résolution, envoient demander à Lacédémone de choisir pour eux. Mais la délibération de la cité ne peut contenir ici rien de plus que celle d’une poignée d’hommes ou d’un homme, et Sparte les laisse libres de leur décision, les engageant seulement à ne rien faire de honteux. À défaut de Sparte, la faim choisit pour eux. Sur les quatre cents vingt hoplites il en reste deux cent quatre-vingt douze, dont cent vingt Spartiates, que les Athéniens emmènent prisonniers.

La capitulation de Sphactérie fait un effet analogue à celle de Baylen : « L’événement parut extraordinaire aux Grecs. On avait cru que ni la faim ni aucune force extérieure ne pouvait amener les Lacédémoniens à rendre leurs armes, mais qu’ils préféraient mourir les armes à la main, en se battant jusqu’au bout. » (IV, 37). Se faire tuer, c’était faire vivre plus lumineusement l’honneur de Sparte, c’était faire vivre Sparte moins longtemps. Aujourd’hui encore qui dira où était la véritable route ?

Tous les ans les Lacédémoniens dévastent l’Attique, et c’est là un de leurs meilleurs moyens de vaincre. Les