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à Xerxès : « La loi est pour eux un maître absolu ; ils la redoutent beaucoup plus que tes sujets ne te craignent. Ils obéissent à ses ordres, et ses ordres, toujours les mêmes, leur défendent la fuite[1]. » Cette figure vivante de la loi qu’on aperçoit au pied du Taygète donne à Sparte, dans l’hellénisme religieux et calme du temps des guerres médiques, un prestige, une autorité, un primat analogues à ceux que reçoivent Delphes de la Pythie, et Olympie de l’Altis. Être soumis à la loi c’est durer par elle, selon elle, et Sparte c’est la chose qui dure. Thucydide attribue le secret de sa puissance à ce fait que depuis quatre cents ans elle est régie par la même constitution. Représentants de la loi les Spartiates sont pourtant les ennemis de la tyrannie, et c’est en intervenant dans les villes contre les tyrans qu’ils s’habituent à intervenir dans les affaires des cités. Seuls d’ailleurs parmi les Grecs ils ont conservé l’ancienne royauté homérique, en la divisant pour lui enlever sa force d’agression intérieure et de tyrannie. Toutes les magistratures, héréditaires ou collectives restant collégiales, l’un réside vraiment dans la loi, et dans la loi seule.

Si les Trois cents des Thermopyles, serviteurs de la loi, incarnent la Sparte de grand style et de la grande époque, et si les lignes de leur tombeau contiennent à l’avance tout ce que l’imagination des siècles matérialise par ce nom dépeuplé, les Cent vingt de Sphactérie tiennent la même place dans le temps de la nouvelle guerre, de la nouvelle Sparte que malgré elle cette guerre accouche à la lumière. Ici l’effectif d’un peloton, là l’effectif d’une compagnie, voilà autour de quoi tourne, en ses deux grandes crises, l’histoire de Sparte. Quatre

  1. Polymnie, 104.