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surtout la plus typique, l’amener, comme le dorique et l’ionique sur l’Acropole, à la dyade élémentaire de deux ordres.

J’aime cette recherche naïve et forte, ce souci qu’a Thucydide de marquer d’abord, comme la graine dure d’où est sorti l’arbre, l’invention propre de l’un et de l’autre génie. « Les premiers qui prirent un costume simple, à la manière d’aujourd’hui, furent les Lacédémoniens. Les premiers aussi ils se mirent nus pour s’exercer, frottés d’huile, dans les gymnases. » (I, 6). Quant aux Athéniens, « ils furent les premiers à déposer le fer pour vivre d’une vie plus libre et plus douce ». Ce n’est pas autrement que Brunetière se préoccupait de rechercher d’abord ce qu’apportent de nouveau un Corneille, un Bossuet, un Rousseau, ce qui manquerait proprement au monde de notre littérature s’ils n’eussent existé. Évidemment je ne me dissimule pas l’artifice de ces πρῶτοι. Sarcey nous dit que dans son enfance il s’étonnait de ne jamais se trouver à l’endroit précis où cessait la pluie et où l’on pouvait avoir une épaule sèche et une épaule mouillée, et, comme il est en un de ses jours de philosophie, il parvient à cet aphorisme : « Les choses ne commencent guère ni ne finissent d’un coup net et précis. » Soit. Mais pour les voir sous cet aspect de commencement et de fin qui est propre à l’être vivant comme à l’œuvre d’art, il faut bien posséder le tour de main qui découpe, limite, sculpte d’un « coup net et précis ».

En tout cas les deux textes de Thucydide nous donnent le sentiment juste d’un idéal harmonieux qui se forme de deux sources différentes, et par deux inventions. Il faut se figurer, dit Bérard, les Athéniens du temps d’Homère comme semblables aux Albanais