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eux qu’avec une démocratie qui ne méritait pas de confiance « (VIII70). Et Décélie était le Noyon de l’Attique : telle est la première démarche des oligarques athéniens, dès qu’ils ont réalisé leur « Rubicon ». Les oligarques ont seulement oublié que l’essentiel d’Athènes, c’est la ville de bois, et que les thètes de la flotte, alors à Samos, servent de garde à la démocratie. Un véritable soviet de marins, d’intelligence avec Alcibiade, les renversera.

Ainsi la guerre finit par produire à Athènes le contraire d’une union sacrée. Mais les unions sacrées ne sont, en pareil cas, que des périodes courtes de calme pendant lesquelles s’accumulent les nuées noires et de plus violents orages. Par une sorte de contamination ou d’endosmose, la tension de la guerre intérieure se règle sur celle de la guerre extérieure. Les guerres de la Révolution et de l’Empire ont laissé non seulement la France, mais tout coin de France divisé en deux camps, guelfes et gibelins, blancs et rouges, qui se maintiennent depuis cent ans. Dès le début un Tourangeau helléniste, Courier, en a vécu la vie injurieuse et, ce qui est mieux, en a fixé, d’après l’histoire d’un village de vignerons, une physionomie vivante qui n’a guère changé. Et les nations sortent aujourd’hui de la guerre disposées à tout autre choses qu’aux baisers Lamourette.

L’état normal du temps de guerre fait de la neutralité un crime et ne tolère Dicéopolis que sur le théâtre. Mais précisément cet état de guerre se transporte tel quel dans cette guerre intérieure qu’engendre toujours plus ou moins la guerre extérieure. On reconnaît la tension des discordes intérieures à l’intolérance plus ou moins grande de l’opinion publique pour l’état de neutralité, que cette neutralité soit inspirée par le