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est représentée comme l’opinion de la jeunesse, et ses railleries contre la démocratie, auxquelles les jeunes gens applaudissaient, firent de Socrate, en 399, une victime de la réaction démocratique. En réalité ces hétairies oligarchiques empoisonnent Athènes. Elles ne se contentent pas de casser le nez des Hermès et volontiers elles emploient l’assassinat. Et surtout leur acte est de trahir, puisque leur intérêt coïncide avec la dissolution de l’empire athénien, et, la domination d’Athènes étant dans toutes les villes liée à celle du parti démocratique, le triomphe de l’oligarchie la fait effondrer. Lorsque Pisandre s’efforce d’établir l’oligarchie dans les cités sujettes, celles-ci s’empressent d’y voir d’abord une occasion de secouer le joug athénien (VIII64).

Ces hétairies forment les cadres de l’oligarchie comme les phratries formaient jadis ceux de l’aristocratie. Ce sont des groupes artificiels qui remplacent les groupes naturels que comporterait une aristocratie véritable. On peut les comparer aux sociétés de jacobins ou aux Compagnons de Jéhu, à la Congrégation ou à la maçonnerie. Elles naissent naturellement, dans la démocratie judiciaire d’Athènes, du besoin de s’entendre pour l’élection des stratèges, qui ne sont pas tirés au sort, et de se soutenir dans les procès. Au moment de la révolution aristocratique des Quatre-Cents, Pisandre « se mit en rapport avec toutes les associations qui s’étaient formées dans la ville pour les procès et les élections : il leur recommanda de se réunir et de se concerter pour abolir la démocratie » (VIII54), et les Quatre-Cents, une fois au pouvoir, s’empressent d’abord de procéder à l’exécution de leurs ennemis, puis d’envoyer un héraut à Décélie auprès du roi Agis « pour lui dire qu’ils étaient prêts à traiter, et qu’il aimerait sans doute mieux traiter avec