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régnant partout, les démocrates appelaient les Athéniens, les oligarques les Lacédémoniens. » M. Sembat a défini la République le régime qui fait prédominer le souci des luttes intérieures sur celui des luttes extérieures. Les cités grecques sont de vraies républiques. On y est aristocrate ou démocrate d’abord. Évidemment Sparte fait une exception. Son étonnante constitution, la nécessité où les Spartiates ont toujours été de se serrer par une mobilisation continuelle sur le sol asservi et hostile où ils sont campés, la discipline morale dans laquelle ils sont élevés dès l’enfance, tout cela coupe la racine aux tentations naturelles de luttes intérieures. Le seul danger viendrait de la politique personnelle des rois : mais d’abord ils sont deux, précieuse garantie, et ensuite les éphores réussiront toujours, comme à Venise le conseil des Dix, à abattre ou à rendre impuissant le roi qui prétendra s’écarter par ambition personnelle de la coutume des ancêtres. À Athènes, où ces conditions ne sont pas réalisées, les choses ne laissent point de se passer trop souvent selon la formule de Thucydide. Il y eut toujours dans l’aristocratie un parti laconisant, qui allait de pacifistes pondérés, patriotes, incapables d’une trahison, comme Nicias, à de jeunes oligarques, dévorés d’ambition, dont l’idéal était bien de devenir les maîtres d’Athènes, sous la protection d’une garnison lacédémonienne à l’Acropole. Ces oligarques, peu difficiles sur le choix des moyens et sur le passé des hommes qui pouvaient les servir, gagnèrent peut-être Alcibiade avant l’expédition de Sicile. Thucydide n’étant pas parvenu à élucider l’affaire de la mutilation des Hermès et celle de la profanation des mystères, personne n’y arrivera jamais. Mais du moins nous donne-t-il le résultat de l’enquête officielle, qui impliquait Alci-