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char avec le don de l’olivier. Nous n’en avons conservé que le torse de Poséidon et ne connaissons l’ensemble que par le dessin dit de Carrey, mais ce dessin suffit pour nous rendre présente l’idée du sculpteur, l’idée même d’Athènes : au centre du triangle, ce vide occupé par une aura surnaturelle, par l’antagonisme des deux divinités attiques, par ce dualisme et cette lutte fondamentaux, auxquels Rome avait donné une forme plus matérielle et plus lourde en les symbolisant dans le fratricide de Romulus.

Jamais ces deux points de vue ne se rejoindront complètement, et, si notre pensée est une cité logique, cette cité participe à ce dualisme nécessaire de toute cité, cette pensée à ce dualisme élémentaire de toute pensée dont les antinomies de Kant découvrent la racine. Tout au plus pouvons-nous croire, en embrassant d’un certain biais les deux idées, que, de même que la vie est l’ensemble des forces qui luttent contre la mort, tout organisme comportant une force centripète et une force centrifuge, ces forces lui demeurant toujours présentes, l’ordre y est fait d’une certaine prépondérance de la première, le progrès d’une certaine prédominance de la seconde. Ce n’est pas encore par là que nous allons bien loin, que nous sortons du carrefour et de notre univers plural.

Tout peuple, toute cité portent en eux la guerre civile comme une maladie en puissance ; il n’est guère d’état de santé qui ne soit peu éloigné des frontières de cette maladie ; souvent on peut se demander si elle ne ressemble pas à celle du génie comme Rousseau,