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des deux cités va à deux hommes modérés, Nicias à Athènes et le roi Plistoanax à Sparte, les plus capables de négocier sur la base de concessions réciproques une paix juste.

Or eux-mêmes s’aperçoivent que cette paix est impossible, ou tout au moins qu’elle devra demeurer une fiction précaire. La guerre du Péloponèse était née en effet de la question de la mer, et cette question de la mer ne peut être résolue par un traité, mais par la force. C’est la situation de la France et de l’Angleterre à l’époque de la paix d’Amiens. Corinthe ne saurait se rallier à un traité qui laisse intact l’empire maritime d’Athènes. Elle dénie à Lacédémone le droit d’abandonner la mer aux Athéniens. De sorte que, devant les difficultés soulevées par les Péloponésiens qui accusent Sparte de trahir la cause commune, Athènes et Sparte ajoutent au traité de paix dont l’application ne dépend pas d’elles seules un traité d’alliance entre elles. Il semble qu’on en revienne à l’ancienne politique de Cimon. En réalité le parti de la paix a engagé, avec la meilleure volonté du monde, une œuvre impossible. Pendant qu’une partie du Péloponèse se soulève contre Sparte et qu’Argos, qui était jusqu’alors restée neutre cherche, de concert avec Corinthe, à la précipiter de sa suprématie, l’alliance de Sparte et d’Athènes trouve immédiatement, comme la paix de Bonaparte avec l’Angleterre, sa pierre d’achoppement dans les restitutions. Sparte ne cesse la guerre contre Athènes que pour s’engager dans des guerres contre les Péloponésiens, et presque aussitôt les relations entre les deux cités ne sont plus réglées ni par une vraie paix, ni par une vraie alliance, mais par une « fausse paix » qui s’appelle la paix de Nicias, dure près de sept ans, et pendant laquelle on se fait tout