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pronne avec les dents quand les mains sont coupées.

Et Cynégire vient ici à propos. Il semble que d’Orient en Occident la vague d’impérialisme soit simplement la vague perse qui se continue chez les vainqueurs de Salamine, l’analogue d’un pli relayé dans un mouvement de terrain. Les orateurs siciliens insistent sur le rapport entre l’expédition de Xerxès et celle d’Alcibiade et de Nicias. D’ailleurs les ambitions d’Athènes font sur la Sicile le même effet que l’invasion des Perses avait fait sur la Grèce propre. C’est en prévision de la guerre inévitable que les villes grecques de la Sicile se réconcilient et que se tient le congrès de Cela où Hermocrate se fait le protagoniste de l’union sacrée. Que la Sicile soit fermée aux Grecs de la Grèce propre, comme la Grèce des guerres médiques est fermée aux Barbares ! « À l’avenir n’appelons plus ni alliés ni médiateurs. » Demeurons « habitants d’une même contrée, entourés par une même mer, et portant le nom commun de Siciliens ». (IV, 58.)

Aujourd’hui que nous savons ce que sont les fatalités de ces guerres exhaustives, il n’y a plus lieu de regarder l’expédition de Sicile comme une aventure inconsidérée, une chimère engendrée par l’ambition d’Alcibiade, ainsi que Thucydide lui-même tend à nous le faire admettre. Si Athènes pousse son armement à ce point d’intensité, si elle confie, en épuisant d’hommes et d’argent un sol dévasté par la peste, à Alcibiade et à Nicias, puis à Démosthène deux expéditions plus étonnantes, toutes proportions gardées, que celle de Xerxès, c’est qu’elle se voit arrivée comme Napoléon en 1812 et comme