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démocratie sans le Démos. Il se groupe autour d’un chef, le stathouder, comme les marins dans la tempête autour du pilote. Les Athéniens, en un moment tragique, peuvent agir de même, trouver en Périclès leur Guillaume d’Orange : leur politique n’en reste pas moins une politique démocratique, qui se fait à coups de résolutions soudaines, par les orateurs, dans la mobilité d’une foule impulsive et de caprices changeants. Le discours d’Archidamos dénonce dans la politique de Sparte le défaut inverse, l’immobilité traditionnelle et mécanique qui mène à la torpeur, engage dans un péril qu’on reconnaît trop tard : le même d’ailleurs que signalera Démosthène dans son discours de l’athlète, lorsque qu’Athènes sera devenue, selon l’expression de Démade, une vieille en pantoufles au coin de son feu.

Pour combattre cet impérialisme maritime, Lacédémone est obligée bon gré mal gré de le suivre sur son élément, sur tous ses éléments, et d’en appliquer les méthodes. Les Mityléniens, dans le discours où ils sollicitent l’alliance de Sparte, résument en une phrase lapidaire cette nécessité de l’action lacédémonienne telle que la comprendront Brasidas et Lysandre : « Ce n’est pas en Attique que sera la vraie guerre, ainsi qu’on le croit, mais bien dans les pays qui fournissent à l’Attique ses ressources » (III, 13). Pendant que les Athéniens pensaient étendre leur empire et augmenter leur force de résistance en accroissant le nombre de leurs tributaires, les Lacédémoniens devaient s’efforcer de couper les racines de la puissance financière et maritime de leurs ennemis en les atteignant sur les terres éloignées