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tion, quoique pour des motifs différents, il faut reconnaître une origine de la politique impérialiste dans l’état démocratique. L’aristocratie foncière voit la guerre avec peine : ses domaines sont ruinés par les dévastations lacédémoniennes, et les triérarchies pèsent lourdement sur elle. Ceux du peuple souffrent généralement beaucoup moins. Ils ont le vivre à peu près assuré par les tribunaux rétribués, quand ils sont à Athènes, ou bien s’enrichissent au dehors en trafiquant, en bataillant, en naviguant. Mais surtout l’aristocratie a des traditions pacifistes, et nombreuses sont à Athènes comme à Sparte les têtes politiques et modérées qui ne demanderaient qu’une entente et un équilibre entre les deux cités. Cela c’est le repos, et le repos, la démocratie, menée par des chefs aristocratiques, les Alcméonides, qui comme César et Mirabeau savent ne pouvoir dominer leur caste qu’en en sortant pour s’appuyer sur le peuple, ne le veut pas. Les rivaux des Alcméonides, tels que Nicias, qui ont la maladie de la popularité, les suivent en gémissant, et pour se consoler songent qu’en aidant à faire la moitié du mal possible, ils réussissent à empêcher qu’on fasse l’autre moitié. Thucydide, qui appartenait à la famille de Cimon, était probablement, avant son exil, de ces modérés. Il n’en laisse rien paraître dans son histoire. Si la guerre a causé la ruine d’Athènes, l’exil lui a permis d’écrire en un chef-d’œuvre l’histoire de cette guerre et de mener une vie de pensée intense et réfléchie. Tout se compense ; il faut envisager la guerre comme un événement inévitable, et qui, quels qu’aient été les efforts des uns et des autres pour en modifier le cours, fut : il n’est plus temps, il n’y a plus de temps, et tout s’incline, comme les lignes du Parthénon, vers le point aérien du κτῆμα ἐς ἀεί,