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surprise la flotte des Péloponésiens alors réunie dans une baie, est en soi suspecte, mais elle désigne comme un mythe bien fait la tendance et les nécessités de sa politique. S’il est impossible de s’entendre avec les autres Grecs, il est possible de s’entendre avec la Perse. Celle-ci n’a jamais eu de marine ni de visées maritimes. Elle emploie seulement à son service les populations maritimes tributaires, Phéniciens et Grecs. Salamine, Platées et Mycale ont conservé la liberté aux Grecs d’Europe et l’ont rendue, tout au moins en apparence, aux Grecs d’Asie. Mais la thalassocratie athénienne peut vivre en bons termes avec un empire continental et asiatique, en recevoir et lui rendre des services. Thémistocle, même en pleine bataille de Salamine, pratiqua toujours la politique de la contre-assurance perse. Il la pratiqua dans son intérêt personnel, et aussi dans l’intérêt d’Athènes, sans que l’on puisse dire, et sans que lui-même eût pu dire où il faisait commencer et finir l’un et l’autre. Décidé à stabiliser la situation en Orient par un partage entre les maîtres de la mer et les maîtres de la terre, il semble que l’idée constante de Thémistocle ait été celle d’un grand empire colonial athénien fondé en Occident. Il avait donné à ses deux filles les noms de Sybaris et d’Italia. À Salamine il envisageait l’Italie comme une retraite possible pour les Athéniens. Il avait amorcé cette politique des bonnes relations avec Corcyre, porte de l’Occident, qui amena la guerre du Péloponèse, et c’est auprès des Corcyréens que, poursuivi par les Grecs, il se réfugie en leur rappelant ses services. Mais ces vues restent théoriques, avec Thémistocle et au temps de Périclès, alors que des questions plus urgentes se posent aux Athéniens : continuation de la lutte contre les Perses, lutte contre les alliés