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cours, et si elle n’est pas à sa fin, c’est que cette politique ne comporte pas de fin dernière et qu’elle est emportée jusqu’à la catastrophe dans un continuel mouvement. Athènes ayant choisi la destinée thalassocratique, sa loi est celle d’une thalassocratie traînée sur l’espace illimité de la mer. C’est une volonté de puissance qui a dû accepter la fatalité de ne pouvoir se régler librement, ni graduer son développement avec discipline. Certes ces forces de discipline ne sont pas données naturellement dans l’homme, pas plus dans un individu que dans un pays. L’individu les acquiert pourtant par un effort, par la philosophie, par la religion. Et cela, quoique plus rare, n’est pas sans exemple chez les peuples. Rome sous les Empereurs a mesuré et limité volontairement son extension. La monarchie française, au temps de Vergennes, était arrivée à la même sagesse. Et Sparte, laissée à elle-même, ne s’en serait certainement pas départie.

Il est fatal que l’établissement d’un empire maritime entraîne les Athéniens dans une guerre perpétuelle. Depuis le moment où Thémistocle les a lancés sur cette voie, les Athéniens sont constamment en guerre, — contre les Perses, — contre leurs alliés, — contre les Péloponésiens « qu’ils rencontrent dans tous leurs différends ». Ils mènent d’abord de front ces trois luttes, puis, comme il est naturel, ils sacrifient la lutte contre le Barbare, en attendant le moment où ils iront, comme les autres, solliciter son alliance contre leurs ennemis grecs.

Cette ubiquité, cette présence et cette nécessité universelle de la guerre, ne sauraient que croître en créant des haines qui les alimentent et les justifient. Haines intestines avec les Ioniens, qui supportent mal d’être