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qui livre Athènes à Lysandre, c’est la création d’une flotte plus forte que la flotte d’Athènes et la bataille navale d’Ægos-Potamos. Le blocus continental et le contre-blocus sous-marin provoquent évidemment une crise chez l’ennemi, mais une crise que l’ennemi surmonte : obligées de s’attaquer au commerce des neutres, les puissances qui les emploient se créent par là de nouveaux adversaires, Napoléon s’effondre par l’Espagne et la Russie, l’Allemagne par les États-Unis. Ainsi, la loi qui veut que la victoire finale appartienne au maître de la mer n’a pas souffert jusqu’ici d’exception.

La première, la guerre du Péloponèse a montré dans le trident de Neptune le sceptre du monde, ici le monde grec, microcosme de la planète et bas-relief où figurent idéalisés tous ses rapports géographiques. Mais la guerre du Péloponèse n’est pas seulement une guerre, elle est plus qu’une guerre, elle est un livre, celui-ci.

Voici, sur l’Athènes marine, le fronton du Parthénon, où, dans la dispute éternelle du trident et de l’olivier, Neptune lui-même vainqueur de la guerre est surpassé par Minerve. Une guerre, comme toute grande chose humaine, lève une fleur, et la fleur de marbre ici cristallisée au-dessus du sang des peuples qui se haïssent pour l’or et se massacrent pour la domination, c’est la chose thucydidéenne de toujours, l’ordre de rapports abstraits dans lequel l’histoire, contractant sa chair lumineuse d’Idée et passant comme la Tyndaride aux portes troyennes, suscite sur les hommes qui souffrirent par elle la figure d’une justice vraie, cette justice de l’esprit qui dépouille tout le vêtement local et social pour ne faire qu’un avec la justesse de la pensée.