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de leur ravitaillement en bois de construction, en peaux, en blés.

Mais le véritable blocus continental d’Athènes, dans la mesure du possible, n’est établi que lorsque les Lacédémoniens se décident, sur le conseil d’Alcibiade, à l’occupation permanente de Décélie. Non seulement Athènes perd son territoire agricole, plus de vingt mille esclaves déserteurs, mais surtout la route terrestre de l’Eubée lui est fermée, les transports ne s’effectuent plus que par le cap Sunium, à grand temps et à grand frais, la route continentale de l’isthme étant, pour une marine antique qui redoutait les longs parcours, la suite nécessaire de la route maritime par le golfe Maliaque et l’Euripe.

Entre le blocus continental des Lacédémoniens et celui de Napoléon, il y a évidemment de grandes différences. Le premier se fait par places, le second par plan d’ensemble et fermeture générale. Le premier vise surtout à empêcher les importations de l’ennemi, le second ne peut pas toucher aux importations de l’Angleterre, et cherche à la faire périr de pléthore en l’empêchant d’exporter. Mais tous deux représentent deux idées qui s’imposent dans une lutte contre une puissance maritime, tous deux (de même que le resserrement du blocus allié et le contre-blocus des sous-marins allemands), n’ont pris corps que lorsque, toute une première partie de la guerre s’étant écoulée sans résultat décisif, il eût apparu qu’on ne pourrait vaincre qu’en tarissant le commerce d’où l’ennemi tirait les moyens de son inépuisable résistance. Enfin tous deux ou plutôt tous trois (si nous leur assimilons le contre-blocus sous-marin), en somme, échouent : la mer triomphe, ou n’est vaincue que par la mer. Ce n’est pas le blocus de Décélie