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les Athéniens, Démosthène. Il a jeté son choix sur Pylos, pays inhabité, rade naturelle de la Messénie à quatre cents stades de Sparte, où l’on pouvait établir des Messéniens, faire une seconde Naupacte, et où le bois et les pierres abondaient. L’idée de Démosthène est, chez un ennemi de Sparte maître de la mer, exactement la même que celle d’Épaminondas lorsqu’il rebâtit la ville de l’Ithôme, restaure au flanc de l’ennemi cette Pologne grecque qu’est la Messénie. Démosthène a contre lui l’opinion générale de la flotte, qui, comme il est naturel, préfère continuer à naviguer, aller à Corcyre. Il faut le hasard de vents contraires, qui retiennent les navires à Pylos, pour que, désireux d’occuper les équipages, les généraux laissent à tout hasard mettre en pratique l’idée de Démosthène. Quand la place, naturellement forte, est à peu près en état, la flotte repart, et Démosthène, qui tient à son œuvre, reste là avec ses vaisseaux. Les Lacédémoniens alarmés conduisent à Pylos un grand armement de terre et de mer, et tout y tourne contre eux : non seulement la position reste inexpugnable, mais leurs hoplites, abandonnés et capturés dans Sphactérie, vont jusqu’à la paix de Nicias peser lourdement sur leurs plans de guerre.

Dans cette bataille navale nul ne s’était signalé par de plus grands exploits que Brasidas ; il y perdit son bouclier, qui figura dans le trophée des Athéniens, mais ceux-ci allaient payer cher cette pièce d’équipement. Il prit sa revanche en traversant toute la Grèce au pas de course pour aller installer en Thrace, d’où les Athéniens tiraient une grande partie de leurs ressources, une Pylos continentale. La prise d’Amphipolis place les Lacédémoniens en l’un des centres nerveux de la chaîne athénienne, coupe aux Athéniens une partie