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pu changer beaucoup, et un texte formel, de Thucydide ou d’un autre, ferait bien mieux notre affaire. Or ce texte manque. Tout ce qu’il nous dit c’est que le Péloponèse importait du blé de Sicile, et que l’espoir de couper ces arrivages fut une des causes de l’expédition athénienne (III, 86). Mais ce blé sicilien était-il indispensable à Lacédémone ? Il est difficile de croire que les riches plaines de Laconie et de Messénie n’aient pas pu nourrir leur population peu dense, et que les deux litres de farine, les deux quarts de vin et la portion de viande qui constituaient la ration de l’hoplite lacédémonien aient jamais pu manquer. On peut d’ailleurs croire qu’il y a eu dans beaucoup de cités belligérantes ou neutres, surtout les années de mauvaise récolte, des problèmes de ravitaillement et de rationnement assez délicats. On sait d’autre part qu’une grave crise économique sévit après la guerre dans le Péloponèse et en fait, sur certains points, un marché de mercenaires. Dans l’ensemble, nous sommes obligés de lire péniblement et mal, sur l’économique, quelques bribes hypothétiques et mutilées, entre les lignes denses, nombreuses et claires du politique.

Nous ne savons donc pas dans quelle mesure exacte la guerre du Péloponèse est une guerre économique, mais nous savons qu’elle tend de plus en plus, par son poids et sa logique, à devenir une guerre maritime et à finir par n’être plus que cela. Une guerre maritime, en ce sens surtout qu’elle met aux prises, comme nos deux guerres modernes, napoléonienne et germanique, le continent et la mer, et, selon la formule anglaise,