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qu’un tiers au plus de ses subsistances, et dépend, pour les deux autres tiers, de ses importations. La question du blé est donc la question vitale d’Athènes. Elle dispose d’une flotte aussi nombreuse qu’elle peut souhaiter. La matière d’échange est abondante : ce sont le vin et l’huile de l’Attique, vendus très cher dans toute la Méditerranée, et surtout l’argent des mines du Laurium, auquel se joint l’or de Thrace. L’abondance de blé étranger détermine en Attique ce surplus de population, grâce auquel Athènes répare tant bien que mal les brèches de la peste, de la guerre d’Archidamos, de l’expédition de Sicile. Cette importance du commerce du blé pour leur empire doit avoir amené les Athéniens à rechercher avant tout le contrôle des grands pays à blé. Il y en a quatre autour de la Grèce : l’Égypte, le Pont, la Thrace et la Sicile. De là la grande et désastreuse expédition d’Égypte, celle de Sicile, l’importance attribuée à la Thrace, puis au Bosphore, dans la conduite de la guerre contre Athènes, par la politique de Lacédémone.

Mais si Athènes ne peut vivre sans une abondante importation de blé, en est-il de même du reste de la Grèce, et en particulier du Péloponèse ? La question est importante : car, si ces pays ont besoin eux aussi des blés du dehors, l’expédition de Sicile prend un caractère de nécessité plus marqué qu’on ne l’imaginait. Ayant déjà le contrôle des blés du Nord, il s’agirait pour les Athéniens de couper pour leurs ennemis du Péloponèse la richesse capitale que conduisent dans leurs ports les vaisseaux de Corinthe, à savoir le blé de la Sicile et sans doute aussi de l’Italie méridionale. Dès lors le Péloponèse affamé aurait dû capituler. Telle est la thèse que soutient entre autres Grundy dans son livre