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à l’entrée du golfe de Corinthe que les Athéniens veulent fermer aux Péloponésiens. De là l’occupation malheureuse d’Héraclée par les Lacédémoniens, sur la route de mer qui menait les Athéniens en Thrace. En Sicile Charybde et Scylla sont occupées l’une par les Syracusains, l’autre par les Athéniens ; les deux flottes ennemies sont l’une à Messine, l’autre à Rhegion, ces deux villes riveraines du détroit, un Tarascon et un Beaucaire qui doivent nécessairement se haïr. Les nécessités de la navigation et du commerce ancien lient intimement à cette question capitale des détroits celle des isthmes, et Bérard s’appuie précisément sur l’occupation de Décélie pour justifier sa loi des isthmes qui explique tant de choses dans l’histoire maritime ancienne.

Notons que, dans la lecture de Thucydide, nous sommes toujours embarrassés par la même difficulté. Tout nous paraît de façon indiscutable rentrer dans les cadres d’une explication commerciale, économique, maritime : les détroits, les isthmes, les îles, les flottes font l’armature évidente de ces cadres. Mais dès que nous voulons passer au détail et savoir exactement dans quelle mesure la maîtrise et la liberté de la mer étaient pour les belligérants une question de vie et de mort, Thucydide ne nous apporte plus que des renseignements insuffisants ou nuls, auxquels les hypothèses des historiens modernes ne mettent pas une rallonge suffisante.

Il faut pourtant faire une exception pour Athènes. Il est certain que l’Attique en est au ve siècle au même point que l’Angleterre d’aujourd’hui : elle ne produit