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raient liés aux caprices d’une assemblée plus incohérente et plus absurde en ses mauvais jours que Xerxès lorsqu’il faisait fouetter la mer. Avec l’ordre de ramener Alcibiade la Paralienne emporta la fortune d’Athènes.

De son côté Nicias, bien qu’il eût préféré qu’Athènes ne s’engageât point dans cette aventure, prépare avec le plus grand soin tout le détail matériel et militaire de l’expédition, tel qu’il en présente dans son second discours l’inventaire aux Athéniens. La difficulté essentielle lui paraît celle-ci : la Sicile, pays d’une richesse inépuisable qui se suffit complètement à lui-même contient pour se défendre tous les avantages d’un continent ; pour en venir à bout il faut que l’expédition puisse se suffire pareillement, qu’elle possède tous ses approvisionnements au moins pour les quatre mois d’hiver pendant lesquels la navigation est suspendue. L’audace avec laquelle Athènes mobilise, alors et au moment où elle envoie le renfort de Démosthène, toutes les ressources de la République et joue sur ce grand coup de dés toute sa fortune, ne peut s’expliquer que par l’inéluctable nécessité d’aller jusqu’au bout des problèmes qu’impose la domination de la mer. L’habitude du commerce, du risque, du quitte ou double chez une puissance maritime porte facilement un tel peuple à ces grandes décisions que l’histoire juge d’après leur réussite. C’est dans l’enivrement de son rush économique et maritime que l’Allemagne s’est résolue au grand coup de dés où elle a perdu.

On a été souvent frappé de la place que tient, immédiatement avant le récit de l’expédition de Sicile, le dialogue des Athéniens et des Méliens. Ce simple rapport