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le plus grand péril de famine. La constitution et la discipline lacédémoniennes ont pour but unique de créer le parfait hoplite, comme toute une culture avait pour objet au moyen âge de former le chevalier. Évidemment la guerre du Péloponèse consacre, tant au point de vue politique qu’au point de vue militaire, la décadence de l’hoplite, et cette chute du mur annonce la chute de la cité. Le désastre des hoplites athéniens en Étoile et des hoplites lacédémoniens à Sphactérie, la nécessité où est Brasidas de partir en Thrace avec de simples ilotes armés comme hoplites, la campagne même de Sicile, où l’armement des hoplites athéniens fut presque toujours pour eux (à l’assaut des Épipoles comme dans la désastreuse retraite) une cause d’infériorité, préparent des idées militaires nouvelles, celles d’Iphicrate, d’Épaminondas, de Philippe, en même temps que la cité s’ouvre et s’effrite devant les idées politiques nouvelles. Pour les raisons mêmes que dit Alcibiade, cette classe d’hoplites manquait en partie en Sicile, et on pouvait à cette époque en conclure (ce qui ne se trouva d’ailleurs point juste) que c’était pour les Siciliens une cause de faiblesse.

Mais la cause la plus importante de la faiblesse des Siciliens, Athènes devait certainement la découvrir dans les dissensions qui ravageaient les villes de la Sicile bien plus encore que celles de la Grèce propre. Ces dissensions, il fallait quelqu’un dont le talent spécial pût les provoquer, les utiliser, empêcher l’union toujours facile dans un pays qui avait connu l’autorité des tyrans. Alcibiade, génie de souplesse et d’intrigue, est qualifié pour prévenir cette union, éveiller et employer les discordes. Et tant qu’il resta en Sicile, sa diplomatie réussit. Malheureusement l’armée et ses chefs demeu-