Cette parole, sous l’Empire, n’avait pas d’expression écrite, et se dissipait avec la fumée des bivouacs. La littérature vivait sous le régime du dessus de pendule. L’Empire est l’âge d’or de ce genre horloger. Même le mot-clef du grognement militaire, on l’a monté après Waterloo en dessus de pendule ; il passa sublime.
Or la carrière militaire de Courier est celle d’un grognard clairvoyant et débrouillard. Il grogne littérairement dans ses lettres. Son expérience d’officier, il la résume ainsi dans une lettre à Silvestre de Sacy : « J’ai enfin quitté mon vilain métier, un peu tard, c’est mon regret. Je n’y ai pourtant pas perdu tout mon temps. J’ai vu des choses dont les livres parlent à tort et à travers. Plutarque à présent me fait crever de rire : je ne crois plus aux grands hommes. »
À plus forte raison ne croira-t-il ni à l’auguste maison des Bourbons, ni aux curés, ni aux ministres, ni à M. le Maire. Il est douteux que la Restauration fournisse aux Français autant de motifs de grogner que le Moloch impérial, mais elle leur apporte le droit de grogner. Courier en use et comme d’un besoin permanent de l’être, et comme d’un droit (son droit) nouveau de l’homme, et comme d’un penchant naturel du Français, et comme d’une défense éternelle du propriétaire,