Beuve, et Chénier présage le romantisme dans l’exacte mesure où ce Commentaire amorce le Tableau.
Les quatre mois et demi de prison qu’il passa à Saint-Lazare firent monter plus haut encore la poésie de Chénier. À cette poésie voluptueuse et gracieuse que couronne la Jeune Captive, il manquait le cri, la corde d’airain. Les fragments des Iambes, les lui donnèrent. Dans un rythme uniforme et puissant, créé par Chénier, c’est une fusion unique d’élan, d’invective et de ciselure. Ces quelques distiques, que Barbier n’a fait qu’imiter, suffisent à faire de Chénier le plus grand des poètes de combat entre d’Aubigné et Victor Hugo.
On déplorera qu’il n’ait pas émigré, comme Delille. Non seulement il eût sauvé sa tête ; mais la vie et les milieux de l’émigration, le séjour de Londres ou de Hambourg, la fréquentation des étrangers, des philologues, des écrivains d’Allemagne, lui eussent fourni le dépaysement et le renouvellement qui lui convenaient mieux qu’à personne. La Révolution a déclenché contre elle un mouvement d’idées. Elle n’a pas déclenché de mouvement poétique. Ses Tragiques et ses Châtiments sont restés au carquois. Les Iambes nous font sentir quelle nuée de fléches d’or Chénier pouvait précipiter sur elle. Sa foudre tombe, comme celle de Hugo, du parvis des dieux. Le mouvement :
c’est le mouvement de la pièce des Châtiments, À Juvénal et surtout de Stella. Entre Ronsard et Victor Hugo, en passant par Racine et La Fontaine, il semble que les meilleurs des fragments de Chénier disséminent leurs essais, comme une grenaille ou une semence d’or pour couvrir le champ entier de notre poésie.