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IX
LA ROMANTIQUE
La carrière ouverte
aux littératures
.
Le livre de Mme de Staël de la Littérature n’est peut-être pas un des monuments, mais il est un des témoins les plus importants de la critique et du mouvement des idées ; il pourrait mieux encore s’appeler Des Littératures, car il inaugure en France un problème du pluralisme littéraire.

De même que la littérature française comporte des familles d’esprits, que ses genres procèdent volontiers par couples de génies complémentaires ou par des séries d’oppositions (Corneille et Racine, Bossuet et Fénelon, Voltaire et Rousseau), ainsi il y a des familles et des oppositions de littératures, entre lesquelles s’institue une comparaison, un dialogue critique : littératures ancienne et moderne, littératures du Nord et du Midi, littératures classique et romantique.

Dès le Consulat, des discussions s’engagent à ce sujet ; des revues où une large part est faite à l’information européenne relayent sur le sol français le Spectateur du Nord et les périodiques de l’émigration. Ainsi paraissent le Journal de Littérature étrangère, la Bibliothèque germanique, les Archives littéraires, le Magasin encyclopédique, dont les titres sont des programmes. Dans un article des Archives littéraires de Janvier 1804, Des Communications littéraires et philosophiques entre les nations de l’Europe Degérando marque, en les admettant l’une et l’autre, les deux directions possibles du goût et du jugement littéraires : « Il y a certaines beautés absolues dont le sentiment doit être universel, parce qu’elles ont leur principe dans un rapport nécessaire, quoique secret,