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seillais la pièce de sa ville, Marseille : ce fut Marius (dont Fanny n’est que la suite, la seconde mouture aussi). Étant passé du théâtre au cinéma, il lui reste à faire sur le cinéma, une troisième et dernière comédie.

Le Théâtre et les Lettres.
Tout ce théâtre-théâtre est sans liaison avec la littérature écrite contemporaine. On dira exactement le contraire du théâtre de Lenormand, qui a transporté des idées sur la scène avec une intelligence probe et passionnée, et qui a créé un théâtre à lui, avec les Ratés, le Simoun, le Temps est un Songe, Un Lâche. Son découpage par tableaux ressemble plus à celui du roman qu’à celui du théâtre, et ne facilite pas le succès de ses pièces. Il joue hardiment sur la scène une partie de romancier psychologue et psychanalyste, que l’historien de la littérature retiendra peut-être plus que le public courant : Lenormand est probablement celui des auteurs dramatiques contemporains qui servira le plus vite de sujet de thèse.
Le Théâtre et le Cinéma.
Le jeune auteur, plus que de la littérature, s’inquiète aujourd’hui du cinéma. Consciemment ou inconsciemment, l’influence de l’art nouveau s’est insinuée dans une partie notable de la littérature dramatique d’après-guerre. D’abord le cinéma, soit l’art du mouvement, a fourni au spectateur moyen un champ d’entraînement, il s’est habitué à des perceptions plus rapides, ce qui a permis à l’art dramatique de déblayer : le théâtre des jeunes auteurs ne vit plus dans la même durée que le théâtre des anciens auteurs, et les dernières traces des longues expositions ont disparu. En second lieu les jeux de physionomie ont remplacé ou éclairé le dialogue. Enfin il y a certaine recherche de la qualité et de la nouveauté qu’interdisent au cinéma des considérations matérielles, la nécessité de s’adresser à un gros public, et surtout au public de province : c’est au théâtre, infiniment plus souple, plus affranchi des matérialités de machinerie, même d’argent, qu’il appartient de faire fructifier littérairement le capital de vogue du cinéma. On n’imagine pas Têtes de Rechange, de Jean-Victor Pellerin, qui fut une des pièces les mieux inventées et les plus neuves de l’après-guerre, né ailleurs que dans l’om-