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domestique ; soit à la comédie de la famille et à la comédie du couple.

Comédie de la famille
et du couple
.
La comédie de la famille a donné beaucoup plus de signes d’épuisement que la comédie du couple, celle dont autrefois Amoureuse avait créé le type. Le fabuleux succès poétique de Toi et Moi désignait Paul Géraldy pour la tenter au théâtre. C’est l’intérêt de Robert et Marianne. Nous prenons cet exemple à cause d’un titre heureux : deux prénoms.

Mais avec d’autres prénoms, et des titres plus compliqués, la comédie du couple, soit du mariage et de la liaison, se retrouve partout. Elle est devenue un des poncifs du théâtre. Tous ces couples — en discorde bien entendu — finissent par se ressembler pour le vieux spectateur, comme tous les mariages se ressemblent pour l’officier de l’état-civil, tous les divorces pour le président du tribunal. On en dirait ce que Gautier disait du vaudeville, qu’il ne devrait y en avoir qu’un, et qu’on ferait de temps en temps des changements.

Ces pièces se trouvent généralement à pied d’œuvre dans l’expérience de l’auteur, et elles n’ont pas de peine à se loger dans l’expérience du spectateur. On vient d’ailleurs au théâtre par couples, d’où leur succès.

Mais le couple d’après-guerre est un couple encore plus précaire et fragile que le couple de 1900. Il se complique, non seulement en ce qui regarde les situations, mais en ce qui concerne les créatures. La poule d’après 1920 ira un jour rejoindre au musée des antiques la lorette et la lionne. En attendant elle a son théâtre, le théâtre. C’est une femme facile, entendons facile pour l’auteur dramatique, à qui elle permet toutes les combinaisons du couple régulier ou irrégulier. L’Ève toute nue de Paul Nivoix (1927) le Greluchon délicat de Jacques Natarison (1925) sont des types agréables, pris au hasard, de cette comédie.

Les combinaisons du couple dépassent d’ailleurs de loin la basse-cour. C’est même à l’extrémité opposée que l’on placerait la principale réussite de Stève Passeur, l’Acheteuse, impressionnante Lamiel moderne. Quant à l’adultère, il a cessé d’être pris au sérieux sur le théâtre. Crommelynck dans le Cocu magnifique et Mazaud dans Dardamelle n’ont pu intro-