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la rue de Beaune des formes diverses de la culture philosophique. Ils ont posé du dedans ce conflit de la raison et de l’intuition qui depuis la guerre a débordé de la philosophie sur la critique, comme en a témoigné la bataille de la poésie pure. En second lieu, on est frappé de voir à quel point la critique de la N. R. F. est une critique essayiste. On sait d’ailleurs que son chef, André Gide, est de la famille de Montaigne.

Le groupe de la critique d’Europe qui, au contraire de la N. R. F., a une position politique très accentuée, est socialiste et internationaliste. Jean-Richard Bloch et Jean Guéhenno se préoccupent de critique sociale plus que de critique littéraire. Mais par là même, l’auteur de Carnaval est mort et celui de Caliban parle apportent une contribution importante à la critique des idées. Viendrait ensuite le groupe matérialiste marxiste, formé principalement de philosophes (Morhange, Politzer, Gutermann, et plus récemment Nizan), qui dans ses deux revues temporaires Philosophies et l’Esprit avait commencé, dans l’esprit du communisme, une révision des valeurs littéraires bourgeoises, à laquelle le matérialisme historique rendait des services, comme ceux que la philosophie de Taine a rendus aux Essais de Psychologie contemporaine, le thomisme à Maritain et à Massis.

Le Journalisme.
L’essai, qui n’est en somme qu’un article long, a d’ailleurs été vite détourné et capté par le journalisme.

Le journalisme politique ne pourrait être présenté ici que comme une longue brochette de noms éphémères. La critique des mœurs et de l’actualité rentre mieux dans les cadres de la littérature. L’ancienne chronique, mangée par la chronique courte et le reportage, retrouve moins que jamais, malgré toutes les sollicitations, son ancien éclat. Le produit le plus original du journalisme de mœurs reste ce qu’on pourrait appeler l’article-croissant auquel le lecteur est habitué le matin : le croissant Vautel, le petit pain La Fouchardière, la flûte Audiat.

La critique littéraire des journaux nous offre naturellement une prise plus substantielle. Elle fait partie nécessaire du courant de la littérature. Elle en est parfois la conseillère, toujours la secrétaire et l’archiviste.