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à désapprendre, se trouvent de plain-pied avec les moyens nouveaux, naissent à même les outils que leurs pères ont dû inventer.

Cette révolution de l’outillage, impliquant une modification et une extension des pouvoirs du corps, a posé deux questions : celle de la littérature sportive, et celle des rapports entre la littérature et le cinéma.

Littérature et Sport.
Comme la génération de 1850 était, la génération de l’appel à la science, celle de 1914 a été par certains côtés la génération de l’appel au corps. Il y a eu, vers 1924, toute une jeunesse (Montherlant, Prévost, Braga) pour tenter d’incorporer le sport à la littérature, et de créer une manière de lyrisme des jeux et des mouvements du corps. Assez vite cela a tourné court. Mais il faut regarder plus loin, considérer l’atmosphère littéraire plutôt que la réalisation littéraire. Or, c’est un fait que le corps a tenu une plus grande place dans la littérature de la génération de 1914 que dans la littérature des générations du XIXe siècle, qu’il a, dans une certaine mesure, évincé les complications sentimentales. Si le comble de l’art consiste, comme le disait Cellini, à faire un homme et une femme nus, cette génération a couru agilement sur ce comble. D’autre part la familiarité de l’homme et des mécanismes, la rapidité de la vie moderne, ou plutôt ses rapidités de tout genre, se sont introduites dans le style. Ce n’est pas à dire qu’ils aient déclassé leurs contraires, puisque les méticuleuses introspections de Proust ont trouvé le public de 1924 aussi attentif que le tenaient les mécanismes elliptiques usinés par Morand, et puisque le cheminement du roman-fleuve ressemble plus à celui d’une péniche qu’à celui d’un hydravion. La littérature est faite de ces coexistences entre un hier, un aujourd’hui, un demain : n’oublions pas d’ailleurs que le roman de Proust fait partie des réserves de la génération antérieure, que son bonheur est d’avoir été écrit par un homme confiné dans une chambre, et que l’expérience du roman-fleuve donne des mécomptes.
Littérature et Cinéma.
Quant à la question des rapports de la littérature avec le cinéma, il va de soi que cette génération est la première qui se la soit