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matique où s’est coulé spontanément son lyrisme le montre appelé par la matérialité de la scène. Sur un autre plan de vie, avec une carrière, en France, d’écrivain français, il eût peut-être mieux coïncidé avec cette matérialité-là, donné vraiment au symbolisme son homme de théâtre.

Regain romantique. Rostand.
Le naturalisme et le symbolisme n’ayant installé au théâtre que des expériences, force fut bien de l’accommoder d’expériences plus anciennes. Cette génération procura un regain de vie au romantisme. Il y eut plus qu’un maintien, il y eut une petite renaissance du drame et de la comédie en vers.

Cinq actes en vers : cela garda jusqu’en 1914 un peu du prestige de la séculaire tragédie. Les poètes de la génération précédente, romantiques et parnassiens, eurent encore dans les dernières années du XIXe siècle d’immenses succès de théâtre poétique. Richepin avec Par le Glaive et le Chemineau, Coppée avec Pour la Couronne. Et Rostand mit à ce théâtre un brillant point final.

Il y a trois points de vue possibles sur le cas Rostand. Celui des contemporains et du public de théâtre, qui lui ont conféré pendant quinze ans la plus vaste gloire de poète qui ait existé en France depuis Victor Hugo. Celui de ce qu’on pourrait appeler la littérature en marche, qui l’a déclassé violemment, en même temps et pour les mêmes raisons qu’Anatole France. Celui de l’histoire littéraire, qui a de quoi le reclasser.

Que Rostand comme France n’apportent rien aujourd’hui aux Français de vingt ans, ni à la femme de trente ans, c’est un fait, et si les enfants gardaient les goûts de leurs grands-pères il n’y aurait pas de littérature. Mais Rostand comme France apportent de l’intelligibilité dans les lettres françaises. Rostand y représente quelque chose. Il a tenu un mandat. Il l’a exercé brillamment, et jusqu’au bout. Le théâtre en vers a eu grâce à lui de grandes funérailles et des jeux funèbres somptueux.

Ses premiers essais sont ceux d’un bon poète de la fin du XIXe siècle, d’un bachelier de théâtre reçu brillamment à la Comédie-Française, sur un thème qui n’a pas besoin d’être neuf, les Romanesques. Puis, par deux fois, la pièce de poé-