Sous l’Œil des Barbares, livre des vingt ans non seulement de Barrès, mais de la génération qui est sa contemporaine, est l’hyperbole de cette vie solitaire, d’où naît l’orgueil paradoxal d’une adolescence froissée qui se redresse en défi. Dans cette première partie de la trilogie du Culte du Moi, où culte n’est pas un vain mot, s’expose et s’exprime un moi ouvert à des cultes et créateur de cultes. Dès Un Homme libre et surtout avec le Jardin de Bérénice, ce culte prend forme : culte des valeurs héritées, et, plus précisément, de l’héritage, affecté d’un exposant littéraire et mystique, et qui dégage un rayonnement indéfini.
Car, avec sa poussée de plante et ce matérialisme élémentaire sans lequel il n’y a pas d’artifex, Barrès ne consent pas à concevoir cette collectivité, à laquelle il entend se donner, et dont il entend jouir, comme une abstraction de légiste, d’orateur, de sociologue, d’écrivain. Il faut à ce moral un physique, un corps : non seulement Bérénice, mais un homme populaire, un César, qui dans un pays monarchique incarnera la nation. De là le boulangisme de Barrès, la ténacité de son césarisme latent. De là, mieux encore, et avec plus de patience et d’originalité, sa création de la Lorraine.