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IV
LA CRITIQUE

La génération de 1850, avec sa forte volée de normaliens, aurait dû être une grande génération critique, et le chef de file de ces normaliens, Taine, avait été désigné par Sainte-Beuve comme son successeur. Il y eut des déceptions.

Avance et retraite
des normaliens
.
Les grands articles de Taine, qui équilibraient si puissamment les Lundis, son Racine, son Saint-Simon, son Balzac, son Stendhal, sont des écrits de jeunesse qu’il s’efforça très tôt de dépasser, d’abord par un « Port-Royal » hâtif, l’Histoire de la Littérature anglaise, ensuite par sa grande œuvre philosophique et historique. Les deux autres chefs de l’équipe, Paradol et About, avaient des ambitions que ne pouvait satisfaire une besogne de recenseurs de livres. Sarcey, qui fut un grand critique dramatique, échoua remarquablement en critique littéraire.
La monnaie de Sainte-Beuve.
À la mort de Sainte-Beuve, et très loin de lui, un critique intelligent et informé méritait de la considération. C’était Emile Montégut, le critique de la Revue des Deux Mondes, qui connaissait bien la littérature anglaise, et était aussi, en matière de littérature contemporaine, judicieux, même brillant, et ne manquait pas d’idées personnelles. Au Temps où il était passé dans la dernière année de sa vie, Sainte-Beuve avait pour collaborateur et eut pour successeur Edmond Scherer, théologien protestant de nationalité française, mais de sang et d’éducation entièrement étrangers, anglais et surtout germano-suisses. Certains domaines des lettres