Dans ses écrits personnels on distinguerait un groupe des Essais et un groupe monumental.
Le plus curieux reste le « pourâna » de jeunesse de Chateaubriand, écrit à Londres dans les années fiévreuses de l’émigration, qui s’appelle Essai sur les Révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution Française. On l’appellerait aussi bien un Génie des Révolutions, précurseur de l’autre Génie. L’état révolutionnaire y est expliqué comme étant un état historique, chronique, dont les manifestations ne sont pas nouvelles, qui donnerait lieu à ce que nous appelons aujourd’hui l’étude des révolutions comparées. L’abbé de Vertut s’était déjà au XVIIIe siècle spécialisé (apparemment car les œuvres répondent peu aux titres) dans cette étude avec ses trois histoires des Révolutions de la République Romaine, des Révolutions de Suède, des Révolutions du Portugal. Le jeune Chateaubriand en tire profit, accumule en quelques mois des lectures énormes, les étale pêle-mêle en les transfigurant dans un bouillonnement d’invention, de fantaisie et de génie, fait en même temps des extraits de lectures et des réflexions pour lui : de là le décousu d’un livre qui ne tient pas encore compte du public, de là aussi l’intérêt qu’il offrit quand en 1826 il le réimprima dans ses Œuvres avec des notes où il s’interpelle, se contredit, se moque de lui ou se confirme. Tout cela est déjà dans l’esprit des Mémoires d’outre-tombe : journal intime de pensée, mais journal intime d’un styliste et d’un homme public, qui reste malaisément seul avec lui-même, et à qui il faut au moins ce délégué du public, qu’est un miroir.