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XIII
LA PHILOSOPHIE
Elle devient universitaire.
De 1850 à 1885 la vie philosophique se partage plus nettement encore que les autres formes de la durée littéraire en deux périodes qui correspondent aux deux régimes politiques. Un des résultats durables de l’action de Cousin, c’est d’avoir pour longtemps, et en somme jusqu’aujourd’hui, domicilié la philosophie française à l’École Normale. Le cartésianisme, de Descartes à Leibnitz, par Spinoza et Malebranche, n’a jamais été une philosophie de professeurs, et pas davantage la doctrine des philosophes du XVIIIe siècle. La philosophie de la chaire paraît, ou plutôt reparaît, en Allemagne avec Wolf, et reçoit un grand éclat du fait que Kant et ses trois célèbres successeurs, Fichte, Schelling et Hegel, sont également professeurs d’Université. La tradition des grands professeurs de philosophie est, pour la première fois depuis le XIIIe siècle, reprise sur la Montagne Sainte-Geneviève par Victor Cousin, qui retrouve le public d’Abélard. Cousin institua la philosophie, en tant que genre de vie universitaire, et en tant qu’histoire des systèmes. Il y manquait tout simplement la philosophie en tant que philosophie. L’Université napoléonienne et le « régiment » de Cousin ne purent fournir qu’une morne caricature de la philosophie allemande de la chaire, même quand celle-ci eut été en 1831 découronnée par la mort de Hegel.

Tant que vécut Cousin, et aussi bien sous le Second Empire où le colonel du régiment philosophique fut mis en retraite, que sous la Monarchie de Juillet, qui fut sa période d’activité, officiellement la philosophie ne fut pas seulement domiciliée à l’École Normale. Elle y fut domestiquée. La réaction du 2 décembre resserra son collier. Au colonel