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dinaires de pièces en collaboration, de pièces où, conformément à la saine optique du théâtre, l’homme seul n’existe plus.

Collaboration, bien entendu, de Meilhac et Halévy, qui paraît ici indiscernable et égale, déposée par le dialogue même de deux hommes d’esprit. Plus tard, quand sous la même signature paraîtront des œuvres spirituelles et sentimentales, des comédies pures comme Froufrou, la Petite Marquise, la Boule, la Cigale, la part de Meilhac sera plutôt celle de l’homme de théâtre, du trouveur de mouvements, de mots, d’émotion, celle d’Halévy la part de l’observateur et du critique, secondaire d’ailleurs ici, puisque les pièces signées par Meilhac seul valent les pièces des deux collaborateurs, et qu’Halévy seul n’a rien tenté sur la scène. On remarquera d’ailleurs que Labiche n’a écrit seul aucune de ses pièces. Un dialogue d’auteurs précède souvent le dialogue d’acteurs.

Collaboration des auteurs et du musicien. À l’ancien vaudeville, et même à celui de Labiche, les couplets sont imposés non seulement par la tradition, mais par le gouvernement, qui jusqu’au Second Empire n’autorise dans les théâtres légers que la pièce parole et chant, et leur interdit d’empiéter sur le privilège des théâtres de parole pure. On comprend que dès lors les couplets et la musique n’y tiennent qu’une place très mince, officielle. Il n’en va pas de même de l’opéra-bouffe ou de l’opérette, où l’orchestre rythme, commande, emporte tout le mouvement de la pièce, et qui avec Crémieux et Offenbach, succédait dans le monde à l’opéra-comique de Scribe.

Collaboration des auteurs, du musicien et des acteurs. Dans l’opéra-comique de Scribe, tout le détail est réglé par le librettiste et le musicien, que les acteurs n’ont qu’à interpréter, aussi rigoureusement qu’ils interprètent une pièce. Mais, même dans la comédie, on avait pu voir un acteur de génie inventer, et même recréer la pièce : c’est l’histoire de Frédérick Lemaître et de l’Auberge des Adrets. Dans l’opérette de Meilhac et Halévy, l’action n’est arrêtée que dans ses grandes lignes, et ces grandes lignes réussissent à rester une œuvre littéraire. Entre elles, il y a des intervalles où le premier