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termes en isme aussi malaisément que Flaubert. Le réalisme c’était Champfleury et pareillement le naturalisme ce sera Zola.

Les Cinq. Zola.
Zola, comme Daudet, passe par la trouée qu’ont faite Flaubert et les Goncourt ; mais plus déversé vers Flaubert, tandis que Daudet, c’est vers les Goncourt. Il n’a d’ailleurs que dix ans de moins que Jules de Goncourt, dix-huit de moins qu’Edmond et que Flaubert. Maupassant, de dix ans plus jeune, était le dauphin de l’équipe. Mais c’est bien une équipe homogène, qui installe ses problèmes, son personnel, ses œuvres, en plein milieu du roman français pendant trente ans, de 1857, date de Madame Bovary à 1887, date du Manifeste des Cinq, et où Zola tient une grosse place, et pas seulement comme le soulier de l’Auvergnat.

Il faut même, en ce qui concerne Zola, remonter plus loin. Pour lui, le problème de l’héritage de Balzac se pose comme il s’était posé en 1850 pour Champfleury et Flaubert. Les réalistes de 1850 n’étaient que des demi-héritiers de Balzac ; ils n’avaient pas fait de « comédie humaine ». Ils n’avaient pas relevé ce qu’on peut appeler le balzacisme monumental. À ce quêteur de documents et à ce cénobite du style, l’étoffe, la volonté, la santé, le tempérament de Balzac avaient manqué.

Les Rougon-Macquart.
Ils ne manquaient pas à Zola. À vingt-huit ans, il décide de faire pour son temps, celui du Second Empire, ce que Balzac avait fait pour le sien : une œuvre cyclique, avec retour des mêmes personnages, qui concernerait tous les étages de la société, comédie humaine de la génération que la mort de Balzac laissait sur les bancs de l’école.

La Comédie Humaine, c’était à cette époque les vingt volumes de l’édition Houssiaux. La Comédie Humaine du Second Empire, prévue pour une dizaine de romans, écrite comme la Comédie, finira pareillement par vingt-cinq volumes en une vingtaine d’années. D’autre part, Balzac n’avait trouvé qu’assez tard l’idée cyclique de la Comédie Humaine, et il y avait rattaché, il avait organisé sur le tard en Comédie des romans qui avaient été écrits pour eux-mêmes et eux seuls. Zola trace dès le début un plan, qu’il suivra sans y changer beaucoup. Ce plan comportera (ce que ne pouvait comporter la tardive idée de la Comédie) un arbre de couche de