Les Goncourt sont entrés dans le roman par l’histoire, dans le roman anecdotique par l’histoire anecdotique, dans le document contemporain par le document du XVIIIe siècle. Ils avaient derrière eux, quand ils débutèrent comme romanciers, dix ans de bibelotages, de livres d’ailleurs excellents sur l’art du XVIIIe siècle, sur la société et les mœurs du temps de Louis XV et de la Révolution, une connaissance par le menu de soixante ans d’histoire qui leur avait valu la considération de Michelet et de Sainte-Beuve. Le XVIIIe siècle était pour eux non seulement le grand siècle, mais le seul siècle. Cette époque qui n’était nullement à la mode et qu’ils contribuèrent à y conduire, s’était complue à laisser sur elle une abondance de témoignages de détail, d’histoires vraies comme celles de Restif, de chroniques et de commérages comme ceux de Bachaumont ; les Mémoires de Bachaumont firent concevoir aux Goncourt l’ambition de faire pour leur époque ce qu’il avait fait pour la sienne. D’où le Journal commencé par les deux frères le 2 décembre 1851.
Or les romans ont poussé sur le Journal, les documentaires sur le document, comme des branches sur un tronc. Ces ro-