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VIII
RENAN
Un carrefour du XIXe siècle.
Un des meilleurs critiques de ce temps, Pierre Lasserre, avait décidé de consacrer la dernière partie de sa vie à un Port-Royal, c’est-à-dire à une grande œuvre souple, centrale et cyclique comme celle dont Sainte-Beuve fit, si à propos, le massif central de son œuvre. Il avait, à cette fin, entrepris un immense Renan, que la mort ne lui permit pas de poursuivre. Il avait raison. À lui tout seul Renan figure, comme Port-Royal, au milieu d’un siècle, un monde complexe où se croisent les routes de ce siècle, où les révolutions de la science, de la morale, de la politique, de la religion contractent une expression, une résonance littéraire, sont rendues sensibles, circulantes, populaires, créent un style. Comme à Port-Royal tout cela se passe dans un monde à la fois clérical et laïque, où se jouent non seulement le drame des idées religieuses, mais celui des conditions religieuses. Comme à Port-Royal les grands intérêts spirituels et littéraires qui sont concernés sont maintenus dans la température humaine par une littérature intime de correspondance, de mémoires, presque de confessions, extrême pointe et reflux du mouvement venu de Saint-Augustin.
Le Clerc Breton.
À vrai dire, ce Port-Royal du XIXe siècle, il faudrait quelque peu l’étendre dans le temps. Au centre de Port-Royal, il y a un massif auvergnat, les deux familles auvergnates, les Arnauld et les Pascal. Pareillement, le massif qui lui correspondrait au XIXe siècle, serait un massif breton : Chateaubriaud, Lamennais, Renan,