ouvrage auquel il travailla dix ans, l’Intelligence (1870) et qu’annonçait son étude sur Stuart Mill, le Positivisme anglais, dont il relève beaucoup plus que du positivisme français. L’Intelligence c’est Mill repensé par un cerveau cartésien. Il s’agit pour Taine de rechercher les éléments de la connaissance, qui sont les signes, soit des extraits, ou des abstraits réels, d’en demander d’une part les conditions physiologiques aux expérimentateurs et aux médecins, d’en suivre d’autre part la recomposition en idées et en lois, jusqu’à ce qu’apparaissent le mécanisme entier de l’intelligence et se formule la loi suprême auxquelles sont suspendues les autres : la conservation de l’énergie, l’identité réelle, l’Axiome éternel.
L’Intelligence (à laquelle Taine se proposait de faire succéder la Volonté quand la guerre et la Commune le jetèrent du côté de l’histoire) a eu de grandes conséquences. Elle a marqué une révolution non en philosophie, mais en psychologie. Elle a donné à toute une génération le goût de la psychologie expérimentale, entre 1872 et 1900. Cette abondance entraînante du discours, cette lumière constante et facile (trop facile), ces petits faits bien choisis et bien mis en valeur, ces exemples et ces anecdotes sur le monde des rêves et des hallucinations, même l’odeur de soufre autour d’un livre que réprouvait le spiritualisme de la chaire, tout cela séduisit les imaginations des jeunes philosophes, les conduisit aux cliniques et aux laboratoires, leur communiqua l’élan par lequel ils dépassèrent ce livre illustre, aujourd’hui périmé, ce pont qui s’est écroulé une fois la troupe passée.